Making Of : le tournage de « Katanga Business »

LE FIL CINÉMA - “Katanga Business”, le passionnant documentaire du Belge Thierry Michel qui sort en salles, raconte la bataille que se livrent des entreprises du monde entier autour du minerai, en RDC. Lors du tournage, notre reporter Emmanuelle Anizon avait rejoint l’équipe sur place, où elle avait pu constater combien les conditions de travail étaient rocambolesques. Elle commente pour nous des extraits du making of. Pas triste…

Thierry Michel, déjà réalisateur de Mobutu, roi du Zaïre et de Congo River, est un fin connaisseur de la République du Congo. Dans ce pays en faillite, dictature sans infrastructures, les tournages sont rocambolesques : Il faut déjouer tracasseries administratives, contrôles incessants et corruption à tous les étages. Parce qu'il connaît tous les pièges, le réalisateur a pu, pendant des mois, construire son sujet au plus près de ses personnages. Il y a un an, nous l'avions suivi dans cette aventure, et nous avions raconté dans Télérama les coulisses de ce tournage. Nous vous offrons aujourd'hui quelques extraits savoureux, absurdes ou simplement terribles du making of du film.

Les salariés d'une entreprise minière manifestent pour demander une augmentation de salaire. Les forces de l'ordre sont là, prêtes à intervenir. Thierry Michel veut filmer, mais le commandant n'a pas du tout envie qu’il y ait des témoins. Prétextant un problème de sécurité, il interdit donc à l'équipe de rester. Thierry Michel a l'habitude : de son portable, il appelle des contacts haut placés pour essayer de le faire fléchir. Un bras de fer typique de ce que vit au quotidien le réalisateur, dans ce pays où règne la loi du plus fort, ou de celui qui connaît quelqu'un qui...

Sur la route entre Kolwesi et Likasi, Thierry Michel et son équipe se retrouvent coincés dans un « rendez-vous », comme l'appellent avec humour les Congolais. Une bonne centaine de camions enlisés, dont certains depuis plus de 24 heures. Il y a très peu de routes pratiquables en République démocratique du Congo. Pendant la saison des pluies, les chemins de terre rouge se transforment vite en terrains de cross boueux. Un magma de bosses glissantes et de trous submergés dans lequel les voitures, vélos et camions viennent s'échouer. Ici, pas de système de secours officiel. On se met donc à plusieurs pour dégager, avec des bouts de bois ou de ferraille, les roues du premier camion, puis du deuxième... L'opération peut prendre plusieurs jours. Pendant ce temps-là, de petits vendeurs d'eau, de nourriture ou de plaisir s'installent en bordure de chemin. Une micro-société s'organise. Sur ce rendez-vous, le 4X4 de l'équipe de tournage est resté bloqué quelques heures, puis a réussi, grâce à l'habileté du chauffeur, à contourner les camions. Le « rendez-vous », lui, a duré encore deux jours.

Thierry Michel et son équipe veulent tourner des images au village de Lushia, un bidonville de « creuseurs », ces mineurs qui exploitent clandestinement une carrière de minerai. Le réalisateur, déjà bardé de tonnes d'autorisations officielles, a tout de même pris la précaution de palabrer une demi-heure avec le chef du village pour s'assurer de son soutien. Il se croit enfin en mesure de travailler... Mais à peine commence t-il à tourner que des hommes l'obligent à se rendre dans une case de la police... Il doit subir un premier contrôle de la police des mines, puis un deuxième de la police militaire, puis un troisième d'on ne sait quelle autorité. De contrôle en contrôle, de case en case, les heures passent, l'équipe s'embourbe, comme bien souvent, dans une situation ubuesque. En République démocratique du Congo, le harcèlement administratif et policier pourrit l'ensemble du pays.

Ici, le racket règne partout, effectué par tout le monde : Dans les villages, en fin de mois, les employés municipaux arrêtent les voitures des particuliers pour « se payer ». Sur les routes de campagne, les barrages sont tenus par des hommes en uniforme, souvent armés, pas toujours identifiés. Dans les mines, les creuseurs se font souvent pressants... II faut à chaque fois négocier, plaisanter, mettre en avant ses relations, parfois menacer. Parvenir à un savant équilibre entre la nécessité de ne pas se faire plumer et celle de ne pas aller trop loin pour ne pas se faire embarquer. Dans cet extrait, Thierry Michel veut filmer une mine artisanale, mais comprend qu'il est une fois de plus censé mettre la main à la poche.

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