Le film Katanga business, sorti le 1er avril en Belgique, raconte, à la façon d’un western, la guerre économique qui se déroule dans la province de la République démocratique du Congo. Les creuseurs artisanaux s’y opposent aux grandes multinationales. Et dans ce conflit, l’Etat congolais peine à s’imposer. Katanga Business : un titre évocateur de thriller économique porté par une affiche digne d’un western. Ce dernier film en date du cinéaste belge Thierry Michel, sorti début avril en Belgique, ne nous emmène pourtant pas dans l’ouest américain mais bien dans les mines du Katanga, province de la République démocratique du Congo. L’image du Far West n’est cependant pas choisie par hasard. Les premières images montrent la région filmée d’avion. Les collines minières ressemblent aux paysages des westerns. Tout le film témoigne ensuite d’une conquête du territoire par les grands industriels américains, asiatiques ou, dans une moindre mesure, européens. "C’est une véritable guerre, pas au revolver comme dans le Far West traditionnel, mais bien une guerre économique à coups d’OPA, de refinancement, de capitalisation, de corruption. Tous les moyens dont on dispose pour s’affirmer économiquement", commente Thierry Michel. Il filme ainsi des actionnaires étrangers qui arrivent en jet privé pour ensuite visiter une mine en car. Ils repartent enthousiastes, conscients des profits à réaliser. Puis, viennent des images plus dramatiques : l’enterrement d’un futur papa de 22 ans, mort dans une mine. "C’est une guerre sociale redoutable qui se solde par des morts au travail dans ces galeries de creuseurs, ces damnés de la terre condamnés par l’histoire, et qu’on chasse des concessions", déplore le cinéaste. Car, comme dans tout western, c’est la loi du plus fort qui règne. Et aujourd’hui, le plus puissant, c’est souvent le plus riche. "C’est la loi du plus fort, mais les gens, fragilisés socialement, exploités se défendent. Ils ne sont pas seulement des victimes soumises. Comme au 19ème siècle en Europe, ils se constituent en classe sociale qui va essayer, peut-être demain, de défendre ses droits sur le terrain politique", constate Thierry Michel, qui a pu filmer, non sans problème avec la police, cette mobilisation. Une colonisation économique Ce jeu mené par les grands acteurs étrangers donne parfois le sentiment d’un nouveau genre de colonisation, économique cette fois. D’ailleurs, les difficultés rencontrées par l’équipe du réalisateur pour avoir les autorisations de filmer montrent que les acteurs sont mal à l’aise. Thierry Michel a dû alterner démarches polies et coups de colère pour pouvoir exercer simplement son métier. Il confirme : "C’est une nouvelle forme de mondialisation. Mais aujourd’hui, je ne crois pas que les Africains soient prêts à s’émanciper de toute forme de colonisation sournoise asiatique, parce qu’ils ont besoin de cet argent. Cependant, les Asiatiques viennent avec leur main-d’œuvre, leurs propres machines et leur technologie. Qu’est-ce qui va rester aux Africains s’ils n’arrivent pas à imposer la loi de leur pays, à garder le pouvoir politique ? C’est la question centrale." Le film montre ainsi la venue de Monsieur Min, qui a signé un contrat de 9 milliards de dollars pour exploiter des mines au Katanga. Pour faire face au pouvoir économique, l’Etat congolais doit se structurer et trouver sa place. Dans Katanga Business, il est quasi absent. "L’Etat congolais fait preuve de sa faiblesse, de sa fragilité, souligne Thierry Michel. Les images montrent bien la corruption dans le fait de ministres et du pouvoir politique au détriment des creuseurs. Des contrats ont été signés à un moment donné et on a soldé les richesses de la province pour les donner à des étrangers dont le seul objectif était le profit. L’Etat congolais montre qu’il n’est pas un véritable arbitre de la situation qui le dépasse", observe le réalisateur. Comme au Far West, faute d’Etat, c’est le règne des petits chefs locaux qui, pour l’argent ou pour l’impression de pouvoir, ont tenté de canaliser sans cesse le travail de l’équipe du film. Le shérif entre en action L’Etat congolais est quand même représenté à travers Moïse Katumbi, le charismatique gouverneur de la province du Katanga. Tout de blanc vêtu et coiffé d’un chapeau, il débarque dans une mine, tel un grand justicier, et s’offusque de voir des travailleurs en sandales. Il menace de fermer l’usine le jour même si ceux-ci ne reçoivent pas des vêtements adéquats. Un autre jour, face à une foule en grève, il prend un mégaphone et promet une augmentation des salaires, comme s’il était l’employeur. Les travailleurs l’écoutent et l’acclament sur son passage. "Va-t-il respecter ses engagements ? Il l’a fait plusieurs fois. Mais ne serait-t-il pas lui-même l’acteur de cette culture congolaise, où finalement le pouvoir politique c’est la prédation d’abord ? Le film pose ces questions", déclare le cinéaste. Katanga Business reflète la réalité de cette province du Congo vue par un cinéaste belge. Ce pays, à l’indépendance, avait un PIB supérieur à la Corée du Sud ou au Canada. Il devrait aujourd’hui être un pays phare dans le monde. Il ne l’est pas. Mais, il est à un tournant de son histoire, conclut Thierry Michel: "Le tournant va-t-il être pris ? L’amorce de la renaissance katangaise que j’ai filmée va-t-elle devenir définitive, irrévocable et historique ? Mon film ne fait que capter ce moment de l’histoire". Violaine Jadoul InfoSud Belgique, 9 avril 2009 retour |