Katanga business, une saga minière au cœur de l’Afrique Après ses documentaires « Mobutu, roi du Zaïre » et « Congo River », Thierry Michel nous emmène dans le circuit des mines du Katanga, véritable vache à lait de la RDC. Le cinéaste belge y dépeint, sur fond de violence sociale, la corruption, les tractations. Les acteurs principaux de cette saga africaine sont, avant tout, les creuseurs artisanaux, les travailleurs de la Gécamines, le gouverneur charismatique, les patrons belges, les opérateurs chinois, les spéculateurs anglo-saxons, … Projeté en première mondiale au Fespaco, le festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, où il a remporté un vif succès, le film sort sur nos écrans ce mercredi 1er avril. Vlan Spectacle : L’Afrique et le Congo ne cessent de vous inspirer. Il faut dire qu’il y a matière… Thierry Michel : Tout à fait, mais ici, c’est une Afrique différente que celle que j’ai filmée dans mes précédents films. C’est mon 6ème film consacré au Congo, mon 9ème en Afrique. Après « Congo River » qui est un film lyrique sur un grand fleuve mythique je suis allé cers des réalités plus triviales, vers une Afrique du travail et du capital. VS : Vous montrez une industrie qui modèle aujourd’hui l’Afrique. TM : J’ai voulu montrer le destin de ces grands patrons venant des 4 coins du monde, tant des pays dominant dans l’industrie minière comme le Canada, les Etats-Unis, l’Australie, l’Afrique du Sud, mais surtout l’Afrique elle-même et la Chine qui est dans une attitude quasi de post-colonisation économique. Dans le même temps, je montre également l’Afrique de la terre, de ces travailleurs qui se battent très durement, qui sont réprimés jusqu’à la mort pour obtenir un minimum de droits et assurer la survie de leur famille. Ils s’occupent de la terre de leurs ancêtres qui appartient aujourd’hui aux multinationales. C’est une vraie lutte des classes dans une région africaine qui est un des coffres-forts de l’humanité car le sous-sol regorge de richesses permettant le développement technologique de l’Occident. VS : Des richesses, comme toujours, qui profitent à tout le monde sauf aux plus concernés. Le Congolais contribue au bien-être de l’humanité, mais qui contribue au bien-être du Congolais ? TM : Le film montre que les Congolais doivent se battre pour avoir quelques miettes, quelques bénéfices de leurs richesses. Il s’agit d’un enjeu, quel va être dans ces rapports géopolitiques, géostratégiques, le monde d’aujourd’hui et de demain ? Quelle est la place de chacun ? Y-a-t’il une lutte de classe entre le nord et le sud qui fait que les Africains ne pourront pas tirer profit de leurs richesses ou est-ce que demain, au contraire, ils pourront voir leur pays enfin se développer ? VL : Au cœur de ce tableau de la vie quotidienne, somme toute, il y a un personnage particulier ? TM : Le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, est LE président de la région. Il a été élu démocratiquement, il bénéficie d’une popularité exceptionnelle, il est charismatique, richissime. Il possède le célèbre club Le Tout Puissant Masembe, une télévision, des entreprises et aujourd’hui le pouvoir politique. C’est une sorte de Berlusconi à la congolaise. Il essaye de gérer l’Etat comme on gère une société privée et a derrière lui une population qui l’adule et même un peu trop. C’est un personnage hautement cinématographique. VL : Il y a les autres personnages qui ont également leur importance. TM : La clé de voûte, c’est le pouvoir politique. Moïse Katumbi est à la fois un homme d’affaires, donc il défend les multinationales et leur implantation dans sa région et en même temps il est un élu du peuple qu’il défend socialement. Autour de lui gravitent ces gens venus des 4 coins du monde. George Forrest, véritable patriarche de l’industrie katangaise et incontournable homme d’affaires belge. Les plus puissant du Congo jusqu’il y a peu. Paul Fortin, un patron canadien, a repris en main l’entreprise publique. Il y l’homme tout puissant, qui paradoxalement, s’appelle Monsieur Min. Cet ingénieur représente l’Etat chinois qui vient avec la puissance économique. Il vient tel un bulldozer écraser tous les autres grands patrons des multinationales, c’est l’homme que l’on surnomme Monsieur « 9milliards de dollars ». Il vient non seulement remettre l’industrie minière en état, mais aussi les routes, les chemins de fer, les hôpitaux, les universités,… Bref il vient refaire les infrastructures coloniales. Une opportunité pour le Congo de se reconstruire. Les chinois sont vus en Afrique comme les nouveaux sauveurs. Thierry Michel fait du cinéma, ses documentaires sont tels des films de fiction où le suspense est présent… si ce n’est qu’ici c’est la réalité ! Aujourd’hui, le soufflet est un peu retombé vu la conjoncture actuelle. L’espoir de renaissance industrielle au Katanga est suspendu dans le temps, mais certainement pas mis aux oubliettes. Ce coffre-fort de matières premières (uranium, cuivre, cobalt ;…) et de profits immenses à réaliser pour les multinationales ne risque pas de disparaître dans l’immédiat. Katanga business sort en salle en Belgique, ce mercredi 1etr avril, en France, le 15 avril, avant d’entamer sa carrière internationale. M’Sa Vlan Spectacle - 1er avril 2009retour |