Thierry Michel : " Ce qui se passe au Katanga est fascinant "

Oublier l'Afrique ? Jamais ! Après ses documentaires Mobutu roi du Zaïre et Congo River, Thierry Michel poursuit son exploration du Congo. Le cinéaste belge a filmé, cette fois, les mines du Katanga, coffre-fort de la RDC.
Sur fond de violence sociale, il a surtout fait le portrait de tous les acteurs de la province : le gouverneur charismatique, les patrons belges, les opérateurs chinois, les spéculateurs anglo-saxons, les travailleurs de la Gécamines, les creuseurs artisanaux...
Saga industrielle, Katanga Business montre l'une des régions les plus riches du globe prise dans les rets de la finance internationale. Un Katanga où, pourtant, la population continue à vivre dans une pauvreté extrême. Projeté cette semaine en première mondiale au Fespaco, le festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, le film sort en salle en Belgique le 1er avril.

Le Vif/L'Express : Qui gagne, qui perd au Katanga ? C'est l'une des questions posées dans votre nouveau film, "Katanga Business", qui sort le 1er avril en Belgique. Quelle est la réponse ?

Thierry Michel : Les aventuriers venus en éclaireurs ont su profiter des « soldes ». Ils ont acheté à bas prix des concessions minières, revendues à des sociétés cotées en bourse. Aujourd'hui, avec la crise, les capitalistes ont perdu leur mise. Mais la province minière reste un théâtre où s'agitent des entrepreneurs venus des quatre coins de la planète : des Chinois, des Indiens, des Libanais, des Israéliens, des Américains, des Canadiens, des Australiens, des Sud-Africains... Les Africains, eux, forment toujours la piétaille. Moïse Katumbi, le gouverneur flamboyant du Katanga, fait figure d'exception. Est-il l'un de ces hommes providentiels qui sauront mettre le Congo sur les rails de la bonne gouvernance et du renforcement de l'Etat ? Ceux qui iront voir mon film jugeront.

Cette personnalité charismatique ne mériterait-elle pas un film à elle seule ?

Sûrement ! En Afrique, il représente les leaders de la nouvelle génération. Homme d'affaires immensément riche, quadragénaire issu des élections, il n'a aucun compte à régler avec le passé. Quand il évoque l'époque coloniale belge, c'est en termes positifs.
En revanche, il accable Mobutu, accusé d'avoir ponctionné la Gécamines jusqu'à son effondrement. Fils d'un juif italien de Rhodes et d'une femme d'ethnie bemba, il est appelé par certains Congolais le "demi blanc". Il joue sur la symbolique forte de son prénom biblique, Moïse, qui est aussi celui de Tshombe, l'ancien président du Katanga sécessionniste.

Quels obstacles avez-vous rencontré pendant le tournage ?

Au Katanga, les entreprises minières m'ont souvent prié de contacter leur siège canadien, britannique ou sud-africain pour obtenir une autorisation de tournage. Heureusement, quand une porte s'ouvre, d'autres suivent. Avoir la confiance de Paul Fortin, patron de la Gécamines, donne ainsi un accès privilégié aux grands opérateurs chinois.
Grâce à mes films précédents, en particulier Mobutu roi du Zaïre, dont des copies pirates circulent toujours au Congo, je ne suis pas un inconnu dans le pays. De même, les projections de Congo River organisées il y a deux ans dans les grandes villes congolaises ont joué en ma faveur. Mes amis journalistes locaux, eux, m'ont aidé à entrer dans le monde des creuseurs artisanaux.
Souvent, la police des mines, la sûreté intérieure ou les militaires ont compliqué ma tâche par leurs tracasseries. Il faut alors sortir quelques dollars ou le nom d'un contact haut placé. Parfois, quand tout se débloque enfin, il se met à pleuvoir et la journée de tournage est perdue !

Le Vif n° 3010 - 13 mars 2009

 

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